Abris de glace

Isabelle

Une barque descend le fleuve.
Sur l’eau infiniment immobile, la barque est immobile ; ou presque : parfois, son nez oscille légèrement comme pour se mettre en travers du courant. Mais ce n’est là qu’un frémissement, l’idée d’un mouvement plutôt que son ébauche. A peine la barque désire-t-elle pivoter vers l’une des berges, à peine songe-t-elle qu’il serait bon peut-être de piquer du nez vers le talus herbeux que les roseaux à la fois dévoilent et dérobent à sa vue, à peine imagine-t-elle la caresse soudaine de l’eau, cette sensation hypothétique provoquée par son hypothétique mouvement vers la berge, lequel lui rendrait enfin sensible le mouvement propre de l’eau — barque elle-même immobile à la fois emportée par le courant et par lui obliquement fuie —, à peine soupçonne-t-elle qu’un tel mouvement est possible... que déjà le fleuve immobile resserre son étreinte autour de ses flancs de bois immobiles. Le fleuve et la barque demeurent ainsi solidaires et pareillement l’un par rapport à l’autre immobiles - comme en eux-mêmes, chacun séparément, ils sont immobiles au sein du paysage également immobile qui défile de part et d’autre des berges, de plus en plus lentement à mesure que le regard s’élève et se perd dans les lointains immobiles de la plaine embrumée.
.../...

Pour lire la suite, télécharger la nouvelle au format PDF (180 ko)

2 Commentaire(s):

Enregistrer un commentaire